N°1 – États-Unis et Israël face à l’Iran : à côté du nucléaire, le balistique
Considéré comme un élément vital de sa dissuasion face à Israël en l’absence de forces conventionnelles modernes, le programme balistique iranien devient un point focal des efforts américains et israéliens.
Un groupe d’études sera mis en place entre le NSC, Jack Sullivan et son équipe et le son homologue israélien, Meir Ben-Shabbat ; les (200) raids israéliens (en moins de six mois) contre l’Iran, par mer ou en Syrie ou au Liban, ont eu cette vertu de mettre les Américains au pied de mur : le danger iranien est d’abord balistique ;
Pour les agences de renseignement, cependant, cette décision très politique, intervient trop tard et aura donc peu d’effet :
Trop tard pour ralentir l’effort iranien dans ce domaine où non seulement la quantité est au rendez-vous, mais, on le sait depuis le 14 septembre 2019, la qualité avec des missiles & drones mieux guidés ;
Peu d’effet, parce que, contrairement au nucléaire, le développement et la production de ces missiles sont plus aisés à dissimuler ; l’Iran envoie des kits, assemblés plus tard (au Liban ou en Syrie, voire au Yémen).
Contrairement au nucléaire qui fera probablement l’objet d’un nouvel arrangement, le programme balistique iranien ne peut être arrêté par le régime car, on le répète, il s’agit d’un programme essentiel à sa survie : plus que par le nucléaire, c’est par la peur suscitée par les tirs de missiles (sur l’Arabie, les bases américaines, les infrastructures pétrolières, les points de passage obligés de la région) que le régime est craint : comme l’attaque massive et coordonnée du 14 septembre l’a démontré, il ne s’agit pas d’une crainte théorique mais d’une vrai scénario de guerre. On voit mal comment Téhéran accepterait de lier les négociations actuelles sur le nucléaire à une réduction, voire un démantèlement de sa capacité balistique.
Cette obstination logique (de leur point de vue) des Iraniens sera d’autant plus constante que la diplomatie de la nouvelle Administration sur le Yémen a pour le moment échoué et que la défense sol-air israélienne, réputée pour son efficacité, a été trouée assez facilement par un S-200 syrien il y a peu.
N°2 – Arabie : vers un rapprochement avec la Syrie
Si les Émirats Arabes Unis ont repris les relations diplomatiques, économiques et secrètes avec la Syrie, l’Arabie, son partenaire, ne l’a pas encore officiellement fait. Et pourtant, le Prince héritier saoudien a besoin du Président Assad pour résoudre deux équations complexes :
Comment réduire l’influence turque (Frères Musulmans) et iranienne (chiite) au Levant ?
Comment revenir au Liban après l’échec de la stratégie Hariri ?
Le règlement de ces deux dossiers exige une participation syrienne : en échange de quoi et avec quelle chance de succès ? La compensation peut être naturellement économique et financière, afin d’aider à la reconstruction d’un pays dévasté par dix années de guerre et qui n’a pas totalement repris le cours normal de sa vie. L’Iran contribue à cette phase de reconstruction tout comme la Russie, mais les moyens saoudiens ne sont pas à négliger vu de Damas.
En revanche, l’Arabie semble se bercer d’illusions en croyant que son aide économique incitera la Syrie à lâcher l’Iran et à influencer son proxy au Liban, le Hezbollah, dans le sens de ses intérêts particuliers. Bien qu’opposée sur le plan religieux, l’Iran, théocratie chiite, a surmonté ses divergences avec la Syrie laïque face à la subversion de l’État islamique : elle en recueille aujourd’hui le fruit en influence politique, en continuité géographique de Téhéran aux ports du Liban et en encerclant encore plus étroitement Israël.
N°3 – Diplomatie régionale intense pour l’Egypte pour contrer le barrage éthiopien
A défaut de parvenir à un accord sur le barrage GERD éthiopien qui menace clairement de tarir les ressources en eau pour l’Égypte, Le Caire a conduit trois politiques pour contraindre Addis-Abeba à la négociation :
Une diplomatie d’encerclement : Le Caire a ainsi conclu toute une série d’accords avec les pays du bassin du Nil : Soudan, Ouganda, Burundi, Kenya, Rwanda et RDC, tous assortis de clauses d’assistance mutuelle ; l’Egypte a également pris pied à Djibouti et y construira un centre logistique régional à double usage ;
Des manœuvres militaires de grande ampleur avec certains de ses voisins comme le Soudan et des livraisons de matériel de défense (avec le Burundi) ;
Une série de mises au point nettes du Président fondée sur le droit international et la légitime défense de l’Egypte en cas de poursuite du remplissage du barrage par l’Éthiopie.
N°4 – Chine : le creusement du canal de Kra, un raccourci sur la route de la Soie ?
Le Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM) a consacré sa dernière « Brève marine » (n°240) aux risques et enjeux du projet de canal de Kra.
Ce projet vise à percer l’isthme de Kra sur 120 km, de Songkhla dans le golfe de Thaïlande à Krabi au bord de la mer d’Andaman, pour créer le Klong Thaï (canal thaïlandais) à travers la péninsule de La Malaisie.
Évoqué pour la première fois au 18ème siècle, ce grand projet d’infrastructure a été remis au goût du jour sous le nom de « route 9A » par la Chine, qui souhaiterait l’intégrer aux Nouvelles routes de la soie (BRI – Belt and Road Initiative). Il ambitionne de relier l’Océan indien à l’Océan Pacifique.
Estimé à $30 milliards, le canal permettrait à la Chine, au Japon et à d’autres pays de l’Asie de l’Est de gagner en 2 à 6 jours de navigation maritime en contournant le Détroit de Malacca (25% du trafic mondial, soit 85 000 navires) et en en absorbant 30% de son flux.
Mais ce projet est loin de faire l’unanimité dans la région : la Thaïlande, bien que proche de la Chine (à qui elle a acheté 1 sous-marin notamment), craint pour sa souveraineté ; Singapour estime qu’une partie du trafic dont il bénéficie sera perdu et tous redoutent l’irrédentisme des provinces traversées par ce canal que Pékin pourrait attiser comme il le fait déjà en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, etc.
N°5 – États-Unis – Europe : en quoi l’espionnage électronique massif est-il choquant ?
L’opération Dunhammer d’espionnage électronique massif des communications de personnalités européennes par la National Security Agency a soulevé tout récemment un très hypocrite tollé. Qui nous étonne. En effet,
Dès 1998 au moins, le système d’interceptions des conversations et échanges électroniques, Echelon était connu ;
Les pays comme l’Allemagne ou même la France ont des stations d’écoute qui font la même chose, même à une moindre échelle ;
Le renseignement n’a aucun ami ni allié : il n’a que des cibles.
C’est la raison pour laquelle, au lieu de critiquer la NSA aujourd’hui, le Guoanbu demain, il est surtout temps de muscler la capacité française de renseignement, humaine et électronique, technique et linguistique, massive comme ciblée afin de limiter la dépendance française aux informations en provenance de ses alliés. C’est la seule leçon à retenir de cet incident qui démontre de nouveau que les pays n’ont pas d’alliés mais uniquement des intérêts.