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Diplomatie. Le dossier : après le Hamas, le Hezbollah ?

par | 21 juin 2021 | Newsletter

Le cessez-le feu est à peine en vigueur que déjà Israël tente de tirer des leçons de cette « guerre des roquettes » et de l’opération « Gardiens des Murs ». Car nul ne doute qu’après avoir combattu le Hamas, cela sera au tour du Hezbollah. Les deux font d’ailleurs partie du même axe : le « Front radical », animé par l’Iran et formé de la Syrie et des proxies (Houthis du Yémen, Hezbollah libanais, Hamas palestinien, etc).

Même si le Hamas a réalisé d’énormes progrès sur le plan militaire sous la houlette de Khaled Meeschal (pratiquement assassiné par le Mossad il y a quelques années, mais sauvé in extremis), il n’est pas encore au niveau du Hezbollah : les arsenaux et les capacités de guérilla de la milice chiite libanaise sont redoutables.

Un premier avant-goût en avait été donné lors de la Guerre des 33 jours (12 juillet – 14 août 2006) lorsque Tsahal avait découvert fortuitement les réseaux de bunkers enterrés insoupçonnés, le vaste trafic de missiles entre la Corée du Nord et les routes terrestres et maritimes de l’Iran au Liban ou la Syrie, et surtout une capacité manœuvrière des miliciens (5 chars lourds détruits, une corvette Sa’Ar 4 endommagée, etc). 

La guerre à venir avec le Hezbollah sera donc dure pour l’État hébreu. Milice détenant sans nul doute le record de munitions au monde, le parti des fous de Dieu possède des missiles plus précis que les roquettes du Hamas, et nombre tel que la défense sol-air multicouches de Tsahal ne suffira sans doute pas, ne serait-ce que par une défense sol-air n’est jamais étanche à 100%.

La saturation sera le premier grand défi : de 29 roquettes par jour en 2008/2009, puis de 90 par jour en 2014, 187 en 2012, le Hamas est passé à 390 par jour, soit un total de 4300 roquettes lancées sur Israël dont 600 sur la zone de Gaza ; le Hezbollah est en mesure d’en lancer beaucoup plus : de 2 à 3000 par jour. La défense sol-air israélienne sera-t-elle suffisamment dotée en missiles d’interception pour limiter cette saturation prévisible ?

L’expérience au combat du Hezbollah sera le second : depuis 2006, la milice chiite a gagné en efficacité après les durs combats en Syrie où elle a appris le combat urbain (à Alep notamment), su parfaire le combat anti-char et adapter sa défense sol-air contre les drones kamikazes artisanaux. L’État islamique a été un adversaire coriace, préparant bien le camp du Front radical à la prochaine guerre avec Israël. Enfin, le Hezbollah a entraîné le Hamas, au Liban, en Iran ou en Syrie : il le connaît et saura faire la guerre avec lui : cette combinaison des deux forces habituées à manœuvrer ensemble est également un redoutable problème tactique pour Tsahal.

La résistance et l’endurance de l’adversaire – palestinien, chiite – est enfin le troisième défi : elles soumettent la population bombardée et Tsahal attaquée et obligée de contre-attaquer des dizaines de fois par jour sur tous les fronts. La guerre que l’armée devra conduire sera d’une plus grande ampleur et exigeant une débauche de moyens importante (frappes aériennes menées par hélicoptères et avions ; attaques ou contre-attaques au sol ; défense sol-air en alerte permanente, etc). Le Liban en 2006 et Gaza en 2014 risquent d’être largement dépassés vu l’arsenal et la professionnalisation du Hamas et du Hezbollah.

Enfin, et c’est le défi le plus redoutable : l’État hébreu sera toujours mis sur le banc des accusés en raison de sa puissance de feu et ses ripostes toujours supérieures. C’est d’ailleurs très exactement ce que souhaite le Hezbollah : qu’Israël du David admiré par le monde entier, se transforme en Goliath persécutant les populations innocentes et ravageant les infrastructures de régions entières (hier le Liban, Gaza aujourd’hui).

Face à tant d’adversité, Israël mène-t-elle la bonne guerre ? Dans son ouvrage si nécessaire à lire pour qui veut comprendre l’État hébreu, Lève-toi et tue le premier (éditions Grasset), Ronen Bergman souligne à juste titre que les succès tactiques époustouflants des services de renseignement israéliens ne règlent en rien le problème stratégique de fond qui demeure l’absence d’un État palestinien et d’une paix durable avec ses voisins : « Tout au long de leurs histoires successives, le Mossad, l’AMAN, le Sin Beth – sans conteste la meilleure communauté du renseignement de la planète – avaient tôt ou tard fourni aux dirigeants de leur pays des réponses opérationnelles à tous les problèmes précis qu’on leur avait demandé de résoudre. Mais chaque succès de cette communauté du renseignement entretenait l’illusion chez les dirigeants du pays que les opérations sous couverture pouvaient devenir un outil stratégique – et pas seulement tactique -, qu’elles remplaceraient la diplomatie pour mettre un terme aux affrontements géographiques, ethniques, religieux et nationaux dans lesquels Israël était embourbé. En raison du succès phénoménal de ces opérations, à ce stade de son Histoire, la majorité de ses chefs ont promu et sanctifié cette méthode tactique de combat, au détriment d’une vraie vision, du sens de l’État et d’un désir sincère de parvenir à une solution politique qui est nécessaire si l’on veut la paix ». (Page 768).