Comme la plupart des dates commémoratives, cette Journée internationale de la francophonie du 20 mars ne doit pas nous bercer d’illusions. Derrière les beaux discours et grandes déclarations, le constat est cruel : le rayonnement, si magnifiquement décrit par Jean Anouilh, de cette « langue française, la plus concise, la plus claire, la langue des diplomates et des souverains », n’est plus qu’un lointain souvenir.
Lâchée, trahie, méprisée par nos « élites », celle-ci subsiste, certes, par son usage : 300 millions de locuteurs dans le monde, soit la 5ème langue la plus parlée sur la surface de la terre. L’ensemble des peuples ou des groupes l’utilisant particulièrement ou entièrement – la définition de la francophonie – ne cesse même de progresser : 700 millions de personnes devraient l’utiliser en 2050, 1 milliard à l’aube du XXIème siècle.
Mais ce phénomène, derrière lequel s’abritent ceux qui prétendent aujourd’hui la célébrer, n’est qu’un résultat en trompe-l’œil, exclusivement dû à l’explosion démographique, notamment en Afrique. Si l’on use encore du français, son utilisation se réduit, et de plus en plus, à cet usage. Un simple moyen de communication, comme on dit aujourd’hui, par ailleurs considérablement appauvri, se situant à des années lumières de ce que fut, encore récemment, sa puissance, son influence et son prestige – plus qu’une langue, un esprit, un raisonnement, une intelligence…
Qui, aujourd’hui, dans les pays dits « francophones », oseraient encore, à l’exception peut-être du Québec, reprendre à son compte cette définition en forme de déclaration d’amour de l’ancien président tunisien Habib Bourguiba : « la langue française constitue l’appoint à notre patrimoine culturel, enrichit notre pensée, exprime notre action, contribue à forger notre destin intellectuel et à faire de nous des hommes à part entière » ? C’était en 1965 ; c’était il y a un siècle…
Ce trésor national, chéri et partagé par le monde entier, a été, comme tant de nos autres joyaux, sacrifié par ceux-là même qui, depuis la déclaration de Villers-Cotterêts, en 1539, ont vocation de le défendre. Choix de la facilité par complaisance aux temps de la médiocrité, mais aussi choix idéologique, par soumission à la mondialisation, et à sa langue universelle qu’est devenue, jusque chez nous, l’anglo-américain…
Or, à l’instar du bradage de notre Histoire, devenue honteuse à force de repentance, comment faire aimer et respecter notre pays, y compris chez nos amis, si nous-même n’aimons plus et ne respectons plus cette part essentielle de notre identité qu’est notre langue ?
Si l’Union européenne, en ce 20 mars, s’associe à cette Journée mondiale de la francophonie, elle le fait à la manière de l’arbre qui soutient le pendu. Nuls plus que l’UE, et ses prédécesseurs, n’ont en effet davantage contribués à l’effacement du français.
Qu’on nous permette, pour en juger, dans un texte célébrant notre langue, de citer quelques chiffres, extraits d’un rapport de l’Assemblée nationale, en date du 7 octobre 2021. Alors qu’en 1994, 34 % des documents produits par la Commission européenne avaient encore pour langue-source le français, ils n’étaient plus, en 2019, que 3,7 % (contre 85,5 % pour l’anglais). Ceux émis par la Conseil de l’Europe sont encore plus rares : 2 %. Et cela descend jusqu’à 0,9 % pour les textes rédigés par le Service européen d’action extérieure – une quasi-disparition ô combien symbolique alors même, répétons-le, que le français est la 5ème langue la plus parlée dans le monde, mais aussi que pas moins de 88 pays sont membres de l’Organisation internationale francophone (l’OIF, à l’origine de cette Journée de la francophonie) et qu’au sein même de l’UE, neuf États-membres comptent plus d’un million de locuteurs en français…
De quoi faire se retourner dans sa tombe Georges Pompidou qui, déjà inquiet des évolutions en cours, réclamait en 1970 que notre langue « reste la première langue de travail » de la Communauté économique européenne (CEE, l’ancêtre de l’UE). Ce qui, jusqu’au milieu des années 1990, cela était encore le cas…
Cet abandon du français n’aurait jamais été possible sans la complicité de tous les chefs d’État français, de droite comme de gauche, mais tous européistes, qui se sont succédés depuis cinquante ans, Emmanuel Macron inclus.
Chacun d’entre eux a contribué ainsi à affaiblir encore cette francophonie que la France et l’Europe font mine de célébrer aujourd’hui.
Cette francophonie, force française, que nous nous engageons, pour notre part, à défendre et promouvoir. Par amour pour la France, et par amour de sa langue. L’un ne pouvant aller sans l’autre. Et inversement.
Député français au Parlement européen | Coordinatrice Commissions Budgets et Fiscalité | Membre du Bureau exécutif du Rassemblement National