Après les nominations d’un personnel favorable à la réouverture des discussions avec l’Iran[1], les discours : le Secrétaire d’Etat Anthony Blinken a annoncé le 18 février à la radio nationale que « le chemin de la diplomatie était ouvert » (« open path on diplomacy »).
Selon lui, l’accord 5+1 (dit JCPOA) a été « très efficace dans l’arrêt des diverses sources permettant la production de matières fissiles nécessaires à la production d’une bombe nucléaire » (« very effective in cutting off all of the pathways that Iran then had to produce fissile material for a nuclear weapon« ).
- L’orientation, déjà nette durant la campagne puis lors des nominations des grands responsables de l’Administration Biden, se vérifie dans les discours officiels. Mais pour aller plus loin, les États-Unis exigent que l’Iran en revienne à l’esprit et à la lettre du traité 5+1 ; la position américaine est ainsi résumée par M. Blinken : « The path to diplomacy is open right now. Iran is still away from being in compliance. So we’ll have to see what it does”. Ce qui signifie deux exigences mises comme préalable : l’arrêt de l’enrichissement (qui a repris) et l’accès aux sites par les inspecteurs internationaux (qui a été restreint) en riposte aux sanctions américaines et au réarmement régional.
- Pour l’Iran, l’Amérique doit passer aux actes d’abord, puisque c’est elle qui en 2018 a rompu le pacte nucléaire.
Mais, au-delà de ces conditions émises de part et d’autre, l’objectif pour les deux parties n’est pas d’en revenir aux termes de l’accord 5+1, mais bel et bien de trouver les bases d’un accord plus large que le précédent et souhaité plus pérenne.
La voie sera extrêmement compliquée puisque les États-Unis exigeront (sur pression israélienne, des Emirats Arabes Unis et de l’Arabie) deux conditions difficilement admissibles à Téhéran :
- L’arrêt du programme balistique ; en Iran, ce programme est considéré comme une arme de dissuasion : si elle ne peut détenir l’arme nucléaire, alors elle doit disposer d’un arsenal de missiles à longue portée suffisamment dissuasif pour éviter des attaques extérieures. Cette doctrine est très largement partagée en Iran dans toutes les couches du pouvoir, et jugée nécessaire, car l’armement conventionnel, largement obsolète, ne sera jamais à la hauteur de celui d’Israël. Ce point nouveau sera certainement très bloquant : la révélation de l’usine souterraine de missiles balistiques d’Hormozgan à la mi-janvier, a démontré que le programme se poursuivait et s’intensifiait même ;
- L’arrêt des menées des milices chiites proches de l’Iran dans la région. Vu de Téhéran, les communautés chiites sont un prolongement efficace de sa diplomatie asymétrique face aux États-Unis, Israël et ses alliés arabes. Faute d’alliés étatiques, elle s’appuie sur des mouvements dont l’action dépend des nécessités iraniennes. Comme le programme balistique, ce levier régional est jugé comme nécessaire à un équilibre politique et social au sein des pays limitrophes, face aux menées sunnites. Lui retirer ce contrôle-là est lui faire perdre une influence en Irak, à Bahreïn, au Liban, au Yémen et en Syrie où elle est directement implantée, ce qui est difficilement imaginable.
Au bilan, si le climat s’est détendu (le perfect storm, voulu par Israël de la mi-décembre à fin janvier, s’est finalement éloigné), l’ajout de ces deux conditions ne devrait pas permettre d’espérer une reprise facile et positive des discussions.
[1] Citons, en rappel de notre analyse sur les « hommes du Président », publiée dans la lettre n°5, Jack Sullivan, conseiller à la sécurité nationale ; Blinken, cité ; Wendy Sherman, n°2 du DoS, Bill Burns à la C.I.A.