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Défense

par | 9 juillet 2021 | Newsletter

Le dossier : pour la Rand Corporation, la France est un bon allié militaire mais faible

Il n’est pas fréquent de voir un organisme de recherche anglo-saxon s’intéresser aux capacités militaires de la France : aussi lira-t-on avec profit (et déception) le dernier rapport de la Rand Corporation, « A Strong Ally Stretched Thin – An Overview of France’s Defense Capabilities from a Burdensharing Perspective ».

Outre la relative ancienneté des entretiens menés par la Rand en France (2018), le survol des capacités militaires françaises est très superficiel ; la dimension polyvalente, résiliente et indépendante du modèle d’armée très particulier qui est celui de la France, n’est pas appréhendée dans toute sa profondeur. Le rapport reconnaît que : « However, the French, because of their strategic priorities, still have a greater range of capabilities than most other European militaries.”

Trois grandes idées émergent de ce rapport :

Le souci stratégique français n’est pas la résurgence d’une menace en Europe orientale et baltique mais bel et bien ses opérations extérieures. Ce constat est vrai : la France ne partage pas les obsessions russes de l’OTAN…A juste titre, le rapport conclut que la dissuasion nucléaire entrera en jeu ;

La capacité de la France à mener une guerre de haute intensité est limitée ; ce constat, étayé surtout par les chiffres des matériels et par le format des armées, n’est pas faux puisque les chefs d’Etat-Major français le répètent depuis quelques années : l’armée française peut être sur un terrain d’opérations durci mais pas durer. L’armée française manque de densité en homme, en matériels, en munitions : ce constat américain est cruel et vrai ;

Il existe un espace, peut-être limité mais réel, de coopération franco-américaine à tous les niveaux, coopération probablement surestimée par le rapport (notamment dans le domaine industriel où le secteur demeure un concurrent majeur de l’industrie française de défense).

Si ces idées sont présentes et régulièrement développées, en revanche, notre Groupe est surpris de voir que trois grandes idées sont absentes de ce rapport :

L’Indo-Pacifique que notre groupe voit comme un horizon majeur de conflits et d’opportunités et où la coopération franco-américaine est non seulement évidente mais à renforcer ; or le mot est absent totalement du rapport…ce qui constitue une très grave lacune ;

La coopération dans l’espace contre les agressions chinoise et russe : l’espace commandant tout, le développement de capacités d’abord nationales, puis en coopération, d’appréciation des situations dans l’espace (et non depuis l’espace) devient absolument cruciale ; nul doute qu’il existe un champ de coopération majeure avec les Etats-Unis sur ce thème ;

La lutte contre le terrorisme islamiste qui, pour notre groupe, demeure l’une des missions prioritaires de nos forces conventionnelles à l’étranger. Le mot « islamiste » n’est ainsi que présent qu’une fois dans ce rapport surtout orienté contre la Russie. Cette obsession américaine à se tromper d’adversaire est certes une constante de la politique étrangère des Etats-Unis, mais on pouvait penser qu’après les opérations en Afghanistan, en Irak et les printemps arabes, Washington aurait ouvert les yeux…

C’est l’occasion pour notre Groupe de répéter que si les Etats-Unis veulent notre amitié diplomatique, notre alliance militaire et notre coopération industrielle, il leur faudra tenir compte au minimum de l’importance de ces deux lignes de force dans la stratégie française et naturellement de l’indépendance diplomatique de la France.