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Lettre Défense & Diplomatie n°5. Editorial : le Rafale en Grèce ou le triple triomphe de la souveraineté

par | 8 février 2021 | Newsletter

Athènes a signé, lundi 25 janvier, un contrat pour l’achat de 18 avions de combat Rafale. Ce succès a suscité beaucoup de commentaires de la part des milieux politiques et journalistiques, mais aucun d’entre eux n’a souligné cette vérité, à la fois éclatante et gênante pour les tenants d’une Europe fédérale : le succès du Rafale, c’est d’abord et avant tout le triomphe de la souveraineté nationale.   

C’est le triomphe d’une diplomatie pour une fois indépendante. Pris d’un éclair de lucidité rare dans les affaires régaliennes (illustré par ses polémiques stériles avec M. Bolsonaro, Sissi, Orban, Poutine et Trump), Emmanuel Macron a adopté la seule politique que l’honneur, l’intérêt de la France et le pragmatisme exigeaient : la solidarité avec la Grèce et Chypre, lâchement abandonnés par les occidentaux, qu’ils soient atlantique, européen, allemand, italien, espagnol ou britannique. En clair, par tout son cadre d’alliances ! Ce faisant, « la France seule » revient en Méditerranée orientale avec force, une zone qu’elle ne peut négliger sans ruiner ses intérêts diplomatiques plus larges (Egypte, Liban), de sécurité (Libye) et énergétiques (forages de Total).  

La conclusion s’imposera en 2022 : la France devra revoir le cadre de ses alliances à la seule lumière de ses intérêts, et ne devra pas hésiter à rompre avec l’Allemagne sur la politique d’exportations d’armement, et à sortir du commandement militaire intégré de l’OTAN.  

Triomphe d’un modèle d’armée indépendant qui permet à la France d’envoyer un porte-avions, des frégates et des avions d’armes pour étayer ses prises de position diplomatiques. Frédéric II de Prusse disait que la diplomatie sans armée est comme une musique sans instruments. La diplomatie française a pu jouer sa partition car elle disposait d’instruments performants, fruit d’investissements nationaux, réalisés en dehors de l’OTAN et de l’Union Européenne, pour la satisfaction de ses seuls besoins militaires.  On voit ainsi combien la dépendance mutuelle et ses corollaires mortifères – la spécialisation et la mutualisation, chères à l’OTAN et à l’Union européenne – sont les meilleurs moyens de plus rien savoir-faire indépendamment.  Le choix de la France de disposer d’un modèle d’armée, indépendant, complet et équilibré, qui peut seul garantir la défense mondiale des intérêts français, de l’Outre-Mer aux rivages des Syrtes, est le bon.  

Ce modèle d’armée doit être financé, densifié et entraîné pour préparer les combats de demain, de basse ou de haute intensité sous toutes les latitudes.  

Triomphe enfin de l’industrie de défense française. Le Rafale est un système d’armes qui épouse exactement les contours de la souveraineté diplomatique et de l’indépendance militaire. Sa polyvalence le rend apte à toutes missions, de la dissuasion à la supériorité aérienne en passant par la frappe dans la profondeur. Son potentiel d’évolution, par standards successifs, garantit durablement à la France un rang mondial sur les plans opérationnel et technologique. L’indépendance nationale et ses exigences particulières (missions de dissuasion et missions du groupe aéronaval) ont produit un éco-système national ultra-performant. A contrario, l’eurofighter, avion conçu par des pays membres de l’OTAN quand la France en était encore sortie, n’est qu’un avion de défense aérienne dont les capacités d’évolution sont limitées en raison même de l’absence d’une feuille de route claire et d’une conduite de programmes expérimentée dès sa conception. Sans doctrine, l’outil industriel est inefficace. 

Pour préserver les compétences françaises dans le domaine de l’aviation de combat, il faudra rompre avec le programme franco-allemand SCAF et revenir à un programme national d’avion d’armes. Ce choix qui devra être fait en 2022n’a rien d’irrationnel. Il est plus économique que cette coopération européenne et moins risqué pour nos armées. La supériorité industrielle française le justifie, comme le démontre la seule comparaison des programmes Rafale et Eurofighter.

Enfin, ce contrat avec la Grèce a le mérite incomparable à nos yeux de démontrer à ses promoteurs politiques tout l’intérêt qu’il y a à mener une politique en tout point contraire à celle qu’ils mènent depuis 2017… et de nous donner ainsi raison sur toute la ligne.