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Défense. Le dossier : l’ « autonomie stratégique européenne », inacceptable, indésirable, improbable

par | 8 février 2021 | Newsletter

Le thème de « l’autonomie stratégique européenne » est répété à longueur de discours en France, tant par le Président de la République que par Florence Parly. Il est pourtant incompatible avec la doctrine française et constitue une erreur impardonnable.

Inacceptable, l’autonomie stratégique européenne l’est évidemment, ne serait-ce qu’au regard de la doctrine d’indépendance qui marque totalement le modèle d’armée français. Axé autour d’une force de frappe, qui ne saurait être une épée à deux mains (franco-allemande ou franco-européenne) mais bel et bien une arme strictement nationale, ce dernier est un modèle conçu dès l’origine et jusque dans ses moindres détails comme « national ». La raison en a été donnée par discours du général De Gaulle à l’Ecole de Guerre le 3 novembre 1959 : « Il faut que la défense de la France soit française. C’est une nécessité qui n’a pas toujours été très familière au cours de ces dernières années. Je le sais. Il est indispensable qu’elle le redevienne. Un pays comme la France, s’il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre. Il faut que son effort soit son effort. S’il en était autrement, notre pays serait en contradiction avec tout ce qu’il est depuis ses origines, avec son rôle, avec l’estime qu’il a de lui-même, avec son âme. ».

Cette définition du modèle national ne signifie pas que la France renonce à la solidarité avec ses alliés, bien au contraire. L’intervention française pour la réassurance de la Grèce face à la Turquie le démontre, mais le modèle d’armée français est national c’est-à-dire qu’il est indépendant. Or, les systèmes otanien comme européen tendent par construction à privilégier de manière exclusive la mutualisation des moyens et la spécialisation des capacités parmi les Etats membres. L’autonomie stratégique européenne n’est autre qu’une dépendance mutuelle, ennemie par définition de toute indépendance nationale…

Indésirable, l’autonomie stratégique européenne l’est assurément en Europe. C’est peu de dire que l’idée lancée dès 2017, a reçu un très mauvais accueil au sein de l’Union européenne ou des pays de l’OTAN. En Allemagne, d’abord, ce qui est gênant pour Emmanuel Macron, compte tenu du partenariat exclusif qu’il a voulu nouer. La ministre de la Défense, Mme Annegret Kramp-Karrenbaueur a sèchement renvoyé le Président français à la réalité : « Illusions of European strategic autonomy must come to an end : Europeans will not be able to replace America’s crucial role as a security provider. ». Loin d’être un coup de sang, cette position est au contraire celle de l’Allemagne, d’Adenaueur hier à Laschet demain.

Pire : loin d’être celle de la seule Allemagne, elle est universellement partagée en Europe. C’est ainsi que le 11 janvier, M. Guerini, ministre italien de la Défense, renchérissait sur sa collègue allemande dans les colonnes de Defense News : « L’Italie ne considère pas que l’autonomie stratégique européenne comme une politique de cavalier seul. Elle y voit une confirmation du rôle de l’Europe en tant que pilier de l’architecture de sécurité collective basée sur le pacte transatlantique. ».

Même son de cloche dans les Pays Baltes, la Pologne, la Roumanie, obsédés par la Russie, et cherchant à tous prix la protection du parapluie américain.

Impardonnable, cette idée d’autonomie stratégique européenne l’est totalement. L’échec du Président de la République et de Mme Parly dans leur croisade européenne est patent, en dépit de plus de quatre années de promotion stérile.

En Europe comme aux Etats-Unis, il a été une source d’interrogation, puis d’incompréhension. Pourquoi la France qui a rallié sans débat national le commandement militaire intégré de l’OTAN en 2009, veut-elle, à chaque occasion, bâtir un système de défense en dehors ? Pourquoi parler de « mort cérébrale » sans quitter l’OTAN ?

En France même, ce débat sur l’autonomie stratégique européenne n’a apporté que de la confusion. Là où la doctrine de la force de frappe était claire, Emmanuel Macron a créé de la confusion en évoquant un possible « dialogue stratégique » avec ses alliés. Là où notre modèle d’armée était légitime car national, Emmanuel Macron apporte de la confusion en évoquant la perspective d’une « armée européenne » illégitime. Là où l’industrie d’armement garantissait l’indépendance des moyens militaires, Emmanuel Macron a apporte confusion et dépendance mutuelle en forçant des coopérations avec l’Allemagne, partenaire avec lequel nous ne partageons ni doctrine, ni besoins militaires, ni spécifications, ni gouvernance industrielle.