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par | 17 décembre 2020 | Newsletter

N°1 : Le discours fondamental d’AKK sur l’autonomie stratégique européenne

Troisième expression majeure en moins d’un mois de la ministre de la Défense allemand, « AKK », après celui du 23 octobre, l’article du 2 novembre, le discours prononcé devant l’académie de la Bundeswehr de Hambourg, le 17 novembre exprime de nouveau avec clarté les positions allemandes immuables face aux nuées confuses de M. Macron. Dans ce « discours majeur » (Grundsatzrede), plusieurs passages méritent d’être soulignés :

Le rappel du poids américain au sein de l’OTAN (page 7) : les États-Unis fournissent 75% des moyens de l’OTAN dont 100% de sa défense anti-missiles balistiques et 75% de ses moyens logistique majeurs.

Ce rappel permet d’introduire, en page 8, la position allemande sur l’autonomie stratégique européenne à la Macron :  » L’idée d’autonomie stratégique européenne va trop loin si elle nourrit l’illusion que nous pouvons garantir la sécurité, la stabilité et la prospérité en Europe sans l’OTAN et sans les États-Unis. Mais quand il s’agit d’agir indépendamment en tant qu’européen là où c’est dans notre intérêt commun, alors c’est notre objectif commun et correspond à notre conception de la souveraineté et de la capacité à agir. L’Allemagne et la France veulent que les européens puissent agir par eux-mêmes et efficacement si nécessaire« . Plus loin, en page 11, AKK précise sa pensée au cas où l’Elysée n’aurait pas bien compris :

« Une Europe de la Défense autonome n’est qu’une vision parmi d’autres » ;

« l’autonomie stratégique européenne ne se construit pas de manière abstraite mais avec des petits pas concrets » ;

« les coûts de l’autonomie stratégique européenne dépasseront et de loin la règle des 2% du PIB » ;

Contre cette idée d’autonomie stratégique, l’ex-candidate à la Chancellerie veut proposer deux instruments :

D’abord un « New deal » (sic) avec les Etats-Unis incluant le maintien de dépenses de défense à un haut niveau, le soutien à la mission nucléaire de l’OTAN et la nécessité de trouver un arrangement avec la Chine…

Ensuite, elle propose une sorte de loi de programmation militaire pour la Bundeswehr, un outil dont elle espère peut-être qu’il affranchira le ministère de la défense d’une tutelle trop forte de la Commission du Budget du Bundestag

Ce discours n’apporte aucune surprise mais une confirmation de nos positions : l’autonomie stratégique européenne n’a aucun avenir car les pays européens ne la veulent pas. Il est vain de parler d’un pilier européen au sein de l’OTAN : personne n’en veut ; il est également vain de vouloir créer, alors même que l’on est dans l’OTAN, une défense européenne ayant pour but de l’évincer : personne n’en veut. Il est vain enfin d’espérer débaucher tel ou tel partenaire : personne ne bougera. Il est ainsi stupéfiant de voir une diplomatie française poursuivre, contre tout bon sens, ces trois directions-là…

Remercions AKK d’avoir eu le courage de la franchise…

N°2 : le Conseil européen accepte des pays non européens au sein de la Pesco

C’était à prévoir pour nous et à redouter pour les fédéralistes : le Conseil européen du 5 novembre a décidé des règles permettant à des pays tiers (non européens) de participer aux projets de la PESCO. Cette décision est la conséquence d’un fort lobbying américain, relayé par l’Allemagne (AKK devait d’ailleurs s’en féliciter par communiqué le jour même). A la condition d’être diplomatiquement corrects (ce qui exclut Chine, Russie et Turquie), les fonds européens ont à la disposition des industriels tiers, américains, israéliens en tête.

Extraits de la décision : « les États tiers pouvant apporter une valeur ajoutée à un projet CSP peuvent être invités à participer s’ils remplissent un certain nombre de conditions politiques, matérielles et juridiques. Par exemple, un pays souhaitant participer à un projet doit partager les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, ne doit pas porter atteinte aux intérêts de l’Union et de ses États membres en matière de sécurité et de défense et doit avoir conclu un accord pour échanger des informations classifiées avec l’UE, entre autres. Cette nouvelle étape dans la consolidation de la CSP renforcera l’autonomie stratégique de l’UE et accroîtra sa capacité à agir en tant que garant de la sécurité avec ses partenaires. »…

N°3 : TKMS à vendre ?

En difficulté depuis des années, ThyssenKrupp semble désormais résigné à vendre sa division navale ; elle a, pour ce faire, mandaté la Deutsche Bank pour sonder des partenaires et annoncé qu’il lui fallait trouver des solutions soit de consolidation soit de partenariat. Ces informations méritent qu’on s’y arrête.

D’une part, parce que ce n’est pas la division navale (TKMS) qui est mal en point mais bel et bien sa holding de tête qui l’est. En effet, TKMS a très bien exporté ces dernières années : en Egypte (4 sous-marins et 4 corvettes), en Israël (3 sous-marins et 4 corvettes) et au Brésil (4 corvettes).

D’autre part, la nature même de TKMS, actif industriel stratégique et donc protégé par les lois allemandes (celle du Commerce notamment) et la politique sur les technologies-clés interdira à ThyssenKrupp de vendre à n’importe qui son activité navale. De fait, à part Lürssen associé à German Naval Yards et Rheinmetall, on ne voit guère de candidats réunissant ces conditions.

N°4 : États-Unis : vendre ou ne pas vendre le F-35 aux EAU ?

L’intégralité du paquet armement prévu pour les EAU (18 MQ-9 avec un armement conséquent ; 50 F-35 et 10 milliards $ d’armement aéroporté) apparaît aux yeux de l’équipe Biden trop stratégique pour qu’elle ne se pose pas la question de son maintien ou de son amendement.

Avant même la tenue des élections présidentielles, ces projets de vente inquiétaient une frange des parlementaires américains, notamment démocrates ; les députés Menendez et Feinstein avaient poussé une proposition de loi obligeant l’Administration à garantir la sécurité d’Israël en cas de ventes de F-35 aux EAU ; quant à M. Engel, actuel Président de la Commission des AE de la Chambre des députés, il s’y opposait fermement ;

Avec la victoire de Biden (en attente de confirmation à la mi-décembre, au moment du vote des grands électeurs élus et confirmés), et la réalité des projets de vente dévoilés via la DSCA, cette inquiétude devient aussi celle de la nouvelle de transition.

Certes,

L’objectif demeure le même : contenir l’Iran armant ses adversaires ;

Les EAU ont démontré qu’ils étaient des alliés fiables des Américains ;

Israël devrait obtenir des contreparties décisives : c’était la raison même du voyage du général Gantz, ministre de la Défense fin octobre à Washington avec une Administration finissante et un Secrétaire d’état à la Défense en passe d’être limogé ; néanmoins, au-delà des hommes, l’Administration Biden devrait non seulement vendre à un prix revu à la baisse entre 10 à 15 F-35 supplémentaires (le format israélien en prévoit 75), entre autres plateformes et surtout donner accès aux satellites SBIRS (même en fin de fin opérationnelle, ils intéressent Israël pour sa défense anti-missiles) ;

L’industrie américaine a besoin de contrats ;

Mais l’engagement des EAU, moins au Yémen, qu’en Libye, suscite des oppositions nouvelles au Congrès nouvellement élu. Les sénateurs Booker, Sanders et Shaheen ont ainsi écrit au département d’Etat pour s’inquiéter du rôle des EAU en Libye et de l’utilisation qu’ils pourraient faire de l’armement américain dans ce conflit. Booker et Shaheen appartiennent à la Commission des sénatoriale des AE qui supervise les projets de ventes d’armes ; même en minorité au Sénat à la Défense et aux AE, cette minorité trouvera des soutiens dans la nouvelle Administration.

N°5 : écho des projets, programmes et ventes d’armement

En Ukraine : dans le cadre de sa diplomatie anti-russe, le Royaume-Uni tente de placer un projet d’équipement naval, à savoir 8 patrouilleurs lance-missiles pour un montant estimé à 1,25 milliard £ ;

En Roumanie : le projet de Naval Group de vente de 4 corvettes (à produire localement) semble reporté à l’année prochaine, une fois le ministère de la défense assuré du rejet des recours du concurrent néerlandais ;

En Grèce, le Parlement devrait voter le projet de vente de 18 Rafale début décembre ; Athènes n’a pas encore pris de décision sur l’acquisition de 4 frégates ;

La Croatie devrait décider d’ici la fin de l’année qui lui fournira son aviation de combat ; Suédois,  Français et Américains ont déposé leurs offres.