Dès le début, la législation sur les marchés numériques (DMA) a affiché un objectif clair : mettre fin à la domination des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Pendant des décennies, les décideurs politiques étaient restés inactifs alors que les géants américains de la technologie abusaient de leur pouvoir, écrasant les entreprises et
les start-ups européennes et portant délibérément atteinte à la vie privée des consommateurs.
Pour mettre un terme à ce Far West numérique, le Parlement européen a amendé un projet de règlement de la Commission et formulé des propositions percutantes. Pourtant, au lieu de se rallier à ces positions, la présidence française, a fait tout son possible tout au long des négociations, pour édulcorer sans raison les propositions du Parlement et y est parfois parvenue.
Sous réserve des dernières discussions techniques, la forme de l’accord final est connu : Le Parlement avaient proposé des amendes élevées pouvant aller jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires mondial, pour les contrôleurs d’accès qui ne se conformeraient pas aux règles établies par le DMA. Des amendes jugées trop élevées selon le Conseil. L’amende pour non-conformité a ainsi été réduite de moitié (les amendes de 20 % ne seront envisagées que dans les cas les plus graves d’infractions répétées). Or nous savons que les amendes relatives imposées au cours de la dernière décennie n’ont pas été suffisantes pour modifier le comportement des GAFAM.
Le Parlement européen voulait s’assurer que seules les plus grandes entreprises (c’est-à-dire les GAFAM) seraient affectées par ce règlement. Pourtant, le Conseil a insisté pour abaisser les seuils (une capitalisation boursière d’au moins 75 milliards d’euros ou un chiffre d’affaires annuel de 7,5 milliards d’euros), ce qui signifie que les entreprises européennes risquent désormais davantage d’être dans le collimateur de la DMA. Ceci, bien sûr, va à l’encontre de l’objectif de viser les GAFAM sans entraver l’émergence de futurs champions numériques européens.
Le Parlement souhaitant que la non-conformité soit considérée plus grave et structurelle lorsqu’un contrôleur d’accès ne respecte pas une obligation pour la deuxième fois. Cependant, le Conseil a insisté sur une approche plus laxiste : ce n’est donc qu’après trois violations en 8 ans que la non-conformité sera vue considérée comme structurelle.
Enfin, le Parlement voulait laisser la porte ouverte aux États membres pour qu’ils agissent eux-mêmes contre les Big Tech lorsque des intérêts légitimes sont en jeu et leur donner un rôle central dans un groupe à haut niveau qui supervise le suivi et l’application de la DMA. Le Conseil, cependant, sous la direction de Macron, au lieu de protéger la souveraineté des intérêts des États membres, a cherché à diminuer le rôle des États membres et à se confier entièrement à la Commission.
Malgré la faiblesse relative de la présidence française du Conseil européen sur les points ci-dessus, la DMA contient encore une série de dispositions utiles, qui rendront l’exploitation par les GAFAM de leur position dominante plus délicate.
Les entreprises comme Apple devront ouvrir leur App Store. Facebook et Google ne pourront plus combiner les données personnelles à des fins de publicité ciblée sans le consentement explicite des utilisateurs.
L’auto-préférence de leurs propres services ne sera plus autorisé. En outre, les utilisateurs pourront supprimer les applications préinstallées et choisir des alternatives, par exemple un autre navigateur web.
À la suite d’importants efforts de notre, le DMA inclura une garantie de protection des lanceurs d’alerte. Sans cette protection qui signalerait les contraventions aux obligations énumérées dans ce règlement ?
Enfin, les applications de messagerie, y compris Whatsapp, devront désormais être ouvertes pour permettre aux applications de messagerie concurrentes telles que Telegram et Signal d’interagir. Il convient toutefois de noter qu’encore une fois le Conseil s’était opposé à cette mesure de bon sens.
Si Emmanuel Macron s’auto-congratule d’un accord sur ce dossier, il faudra se rappeler que c’est malgré la position de la présidence française – et certainement pas grâce à elle – que le DMA contient encore des dispositions utiles.
Le DMA telle qu’il se présente actuellement est un pas dans la bonne direction. Mais à bien des égards, c’est aussi une occasion manquée. Une occasion manquée de favoriser l’émergence de champions français ou européens du numérique. Et cela est principalement dû au manque de courage de la présidence du Conseil d’Emmanuel Macron.