Annika Bruna
Député français au Parlement européen
Membre des commissions Libertés civiles, Justice et Affaires intérieures,
et Droit des femmes et égalité des genres,
Membre de l’intergroupe Bien-être et protection des animaux.
Déclinaison française des politiques européennes de lutte contre l’antibiorésistance, les plans Écoantibio 1 et 2, bientôt suivis d’un plan Écoantibio 3, ont permis de réduire de moitié la consommation d’antibiotiques dans nos élevages.
Cet effort doit être poursuivi car 80 % des antibiotiques sont communs en santé humaine et animale. Lorsqu’un antibiotique a été trop utilisé sur les animaux de rente, il s’opère alors une sélection génétique au profit de bactéries plus résistantes. Les antibiotiques deviennent alors moins efficaces pour les animaux mais aussi pour l’Homme, consommateur final des produits carnés.
Ceci est encore plus vrai dans les élevages industriels où les pathologies se développent plus facilement en raison de la concentration des animaux et de leur standardisation génétique.
Aussi, dans le cadre d’Écoantibio, les vétérinaires et les éleveurs sont encouragés à réduire l’usage de ces molécules en s’appuyant sur diverses techniques telles que :
– La vaccination, quand cela est possible ;
– La limitation des densités d’élevage et l’amélioration de leur ventilation ;
– L’amélioration de la nutrition et de la qualité de l’eau ;
– L’usage de caméras thermiques pour déceler au plus tôt les infections.
L’Union européenne semble avoir également pris la mesure du problème à travers le règlement 2019/6 du 11 décembre 2018 relatif « aux médicaments vétérinaires » qui dispose notamment :
– À l’article 37, la possibilité de réserver certains antibiotiques au seul traitement des infections chez l’homme, ce que la Commission européenne a précisé dans son règlement d’exécution 2022/1255 du 19 juillet 2022 « désignant des antimicrobiens ou groupes d’antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l’homme » ;
– À l’article 118, l’interdiction d’importer des produits carnés issus d’animaux ayant reçu des antibiotiques pour favoriser leur croissance. Cette disposition a été complétée par l’article 3 de l’acte délégué du 27 février 2023 « complétant le règlement 2019/6 en ce qui concerne l’application de l’interdiction d’utiliser certains médicaments antimicrobiens chez les animaux ou dans les produits d’origine animale exportés à partir de pays tiers vers l’Union ».
Notons que la France avait déjà pris les devants via un arrêté ministériel du 22 février 2022, renouvelé depuis et qui interdisait, à partir du 22 avril 2022, l’importation et la mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viandes issus d’animaux ayant reçu des antibiotiques facteurs de croissance.
En complément, d’autres politiques peuvent également être menées pour lutter plus efficacement contre l’antibiorésistance, à savoir :
– L’indispensable arrêt de la spécialisation des élevages par territoire dont on a constaté qu’elle avait fait le « nid » de la grippe aviaire ;
– La réduction de la standardisation génétique, y compris du clonage, qui accélère la propagation d’une pathologie dans un élevage ;
– Le développement de la recherche sur la phagothérapie (virus bactériophages) ;
– La lutte contre les déserts vétérinaires.
La Commission européenne s’étant engagée à réviser la directive 98/58/CE sur « la protection des animaux dans les élevages », je lui ai donc demandé, par voie de question écrite, de développer l’ensemble de ces techniques mais aussi de s’assurer que les mêmes exigences s’imposeront aux importations de produits carnés.
En effet, les contrôles réalisés aux frontières ne sont pas de nature à garantir le respect effectif de nos normes, y compris l’interdiction d’importer des produits issus d’animaux ayant reçu des antibiotiques de croissance. Et pour cause : ces contrôles consistent essentiellement à prendre connaissance des certificats sanitaires délivrés par les seules autorités du pays exportateur…