Tribune de Mme Annika Bruna
Député Français au Parlement européen.
Le Monde a publié une grande enquête le 23 février dernier qui révèle que les perfluorés (PFC) et les polyfluoroalkylés (PFAS), utilisés depuis les années 1940, sont présents dans une multitude de produits de consommation.
Sont concernés notamment les ustensiles de cuisine, les textiles, les mousses anti-incendie, les peintures, les emballages, les prothèses ou encore les batteries de véhicules électriques et d’autres produits : « Le Teflon, le Scotchgard, le célèbre imperméabilisant textile, et le Gore-Tex, ce sont eux ».
Une pollution diffuse.
Composés d’atomes de carbone et de fluor, ces molécules, dont le nombre estimé oscille entre plusieurs milliers et plusieurs millions, ne se dégradent que très lentement lorsqu’elles sont rejetées dans notre environnement.
Fortement présentes dans les eaux usées, ces molécules polluent les sols et les eaux, y compris l’eau du robinet. Nos organismes sont donc déjà contaminés par les PFAS qui se disséminent facilement et rapidement. Selon un rapport de Santé publique France, le programme national de biosurveillance Esteban révèle que la totalité de la population française, aussi bien chez les enfants que chez les adultes, est « imprégnée » par ces molécules.
Un péril sanitaire trop méconnu.
Ces polluants éternels sont responsables de cancers, d’infertilité, de troubles du développement chez les enfants, de maladies de la thyroïde et de risques cardio-vasculaires. Selon l’enquête précitée, les PFAS coûteraient chaque année entre 52 et 84 milliards d’euros aux systèmes de santé européens.
Les lanceurs d’alertes, scientifiques et journalistes, se heurtent à un problème majeur pour évaluer ce risque sanitaire : le manque de données. En effet, l’identification des sources de pollution industrielles, anciennes et contemporaines, est rendue difficile par l’inertie des pouvoirs publics.
Les équipes du Monde et de ses partenaires estiment à plus de 17 000 en Europe, dont 900 en France, les sites contaminés à des niveaux « qui requièrent l’attention des pouvoirs publics (au-delà de 10 nanogrammes par litre) ». Parmi eux, 2 100 sites sont contaminés à un niveau jugé dangereux pour la santé (plus de 100 nanogrammes par litre).
À ce jour, l’interdiction des PFAS à chaîne longue, c’est-à-dire ceux contenant plus de 8 atomes de carbone (C8), n’a pas eu l’effet escompté. Ces molécules ont en effet été remplacées par des PFAS à chaîne courte qui posent sensiblement les mêmes problèmes.
Refusons la politique de l’autruche.
Il est temps de mettre en œuvre des recherches publiques à l’échelle européenne afin d’identifier clairement :
– Quels sont les sites contaminés ;
– Quelles sont les industries qui utilisent ces molécules ;
– Quelles sont leurs effets sur notre santé, en tenant compte des effets « cocktail » avec d’autres substances chimiques ;
– Et quelles molécules alternatives peuvent être utilisées pour remplacer les PFAS.
J’en appelle également à une interdiction à l’échelle européenne de la production et des importations de produits contenants ces polluants éternels, dès lors que des molécules alternatives peuvent leur être substituées. Si nous ne pouvons plus rien faire s’agissant de la pollution passée, il faut au moins éviter de la perpétuer à l’avenir.