Dominique Bilde
Député Français au Parlement européen
Le 19 janvier 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a tranché : c’est la fin définitive de l’usage des néonicotinoïdes dans l’agriculture. Pour le secteur français de la betterave, c’est la douche froide à seulement 40 jours de semer : ils savent déjà que la saison est perdue.
Ces néonicotinoïdes, la France les autorisaient par dérogation, car nous n’avions pas encore d’alternative viable. Des recherches sont en cours pour trouver un produit de substitution, mais le calendrier prévoyait encore 3 bonnes années de recherches avant de pouvoir se passer définitivement de ces substances. L’arrêt de la CJUE balaye tout ça, sa décision étant rétroactive : c’est la fin immédiate de l’utilisation qui s’applique.
À cette gifle européenne, s’ajoute l’outrage français. Un seul néonicotinoïde n’est pas concerné par cet arrêt et peut donc encore être utilisé dans l’UE… un produit que la France a unilatéralement choisi d’interdire sur son territoire en 2016 ! Nos voisins européens, et en particulier notre principal concurrent, l’Allemagne, pourront donc sauver leurs productions cette année pendant que le secteur français sombrera.
Pour les agriculteurs français, c’est catastrophique. La France est le premier producteur européen de sucre, le 9e producteur mondiale et le secteur contribue chaque année pour 39,6 milliards d’euros à la richesse nationale (PIB). En emplois directs (exploitants agricoles), et indirects (sucreries, distilleries) nous parlons ici de 45 000 emplois menacés.
La solution proposée par le gouvernement ? Utiliser des produits alternatifs dont on sait déjà qu’ils ne sont pas aussi efficaces, empêcher la venue sur le territoire de l’UE de sucre produits dans de pays utilisant ces substances désormais interdites et indemniser les agriculteurs. En clair du vent, une condamnation de notre filière.
Utiliser ces produits alternatifs ne sauvera qu’une petite partie des récoltes, ce qui aura des conséquences pour toute la filière, empêcher des produits concurrents d’arriver sur le marché européen ne sauvera pas la production française et indemniser les agriculteurs fait déjà sourire, eux qui ont été confrontés à la même promesse en 2020 et n’ont été indemnisés qu’après de longues procédures pour même pas 10% des pertes.
Par ses décisions iniques et son incapacité à défendre ses fleurons par idéologie pure, le gouvernement français se tire une nouvelle balle dans le pied. L’heure devrait être à alléger temporairement les critères entourant l’utilisation de produits phytosanitaires, pour permettre à l’une de nos dernières filières solidement structurée de survivre. Au lieu d’actes forts, la réponse du gouvernement Macron est donc toujours la même : se coucher devant l’Allemagne et ouvrir le chéquier.
Nos agriculteurs n’aspirent pas à vivre sous perfusion d’aides d’état. Ils veulent être rémunérés pour leur travail, eux qui nous nourrissent et font rayonner les produits français de qualité partout dans le monde. Notre souveraineté alimentaire passe par le soutien à nos agriculteurs, c’est le but de notre combat et de notre action.