En ma qualité de coordinatrice du groupe ID de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, je souhaitais apporter mes plus grandes réserves sur les modalités d’organisation de cette conférence et les conditions dans lesquelles les recommandations présentées ont pu y être élaborées.
Les députés du Groupe ID rejettent, tout d’abord, fermement l’appel de la Commission européenne et de la Présidence française à engager des modifications des traités qui conduiraient à éroder encore les souverainetés nationales. Ils s’opposent tout particulièrement à l’abandon du principe d’unanimité en vigueur au sein du Conseil, une réforme qui vise, dans l’esprit de ses promoteurs, Mme Von der Leyen et M. Macron, à se donner les moyens juridiques d’imposer aux pays membres des décisions contraires à leur volonté démocratique.
L’abolition du principe d’unanimité implique, entre autres, le droit d’une majorité d’États membres d’imposer certaines politiques fiscales dans les Etats membres. Il s’agit d’une violation flagrante du principe de « pas d’imposition sans représentation » et reléguera les États membres de l’Union à l’état de colonies fiscales de l’UE.
Cette vision centraliste procède fondamentalement de la négation du droit des peuples européens à disposer d’eux-mêmes et est nature à porter atteinte à la juste et belle idée européenne.
Cette tentation démontre l’impasse de la coopération du « tout ou rien » qui conduit l’Union Européenne à exciper d’une brutalité institutionnelle que la construction d’une Europe à la carte permettrait sereinement d’éviter.
Les députés du Groupe ID alertent sur les conditions opaques dans lesquelles les « panels » citoyens prétendument représentatifs, mais en réalité totalement artificiels et socialement déséquilibrés, ont été mis en place dans le cadre de cette conférence.
Le caractère caricaturalement univoque des contributions et des recommandations atteste, d’ailleurs, de manière évidente, de l’absence de tout débat ouvert et éclairé dans l’élaboration des conclusions.
Malgré un faible engouement avec seulement 52 346 citoyens inscrits sur 450 millions d’européens, la plateforme multilingue (MPL) a révélé un positionnement plus nuancé que les travaux des panels et même parfois critique. Ce fut le cas par exemple sur la thématique de l’immigration extra-européenne. Pour autant, les avis qui y ont été exprimés ont été ignorés vraisemblablement pour ne pas contrarier un récit manifestement écrit à l’avance.
La constitution de panels avait officiellement pour but de mettre en évidence l’état des opinions européennes et d’associer les citoyens. On ne peut que s’étonner, dans ces conditions, de l’absence de tout sondage ou d’études qualitatives qui auraient pu, de manière plus scientifique, orienter la réflexion.
Malgré des demandes réitérées des parlementaires du groupe ID, il n’a pas été possible d’obtenir de l’agence Kantar chargée de la constitution des groupes, les informations sur les critères et les modalités de sélection retenus. Il est évident que, comme cela se pratique en ces circonstances, l’intervention d’experts imposait un contrôle de l’absence de conflit d’intérêts.
Le choix de panels désignés, doublé d’un encadrement « d’experts » sans garanties d’indépendance, a incontestablement procédé d’une volonté moins de connaître l’état de l’opinion européenne que de corroborer des conclusions prédéterminées.
Le recours à des instances consultatives mais qui émettent des « recommandations » présentées comme impératives constitue la négation même de la démocratie représentative. Cette pratique est d’autant plus inquiétante qu’elle semble devoir être reconduite à l’avenir au sein de l’Union Européenne.
Enfin, il est curieux qu’aucun renseignement sur le coût de la conférence sur l’avenir de l’Europe ne puisse être obtenu par la représentation parlementaire dont l’un des rôles premiers est le contrôle des dépenses de l’Institution. Le principe d’une transparence financière proposé par amendement a même été rejeté le 15 janvier 2020.
La réaction immédiate et salutaire de 13 États membres de s’opposer à toute révision expansionniste des traités témoigne de la défiance générale à l’égard des initiatives malvenues de M. Macron et Mme Von der Leyen. Elle constitue un désaveu cinglant pour cette conférence et, plus largement, à l’égard de l’intention sous-jacente de conduire l’Union Européenne vers une nouvelle constitution.
Depuis le départ du Groupe ECR de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, le Groupe ID est devenu le seul groupe politique du Parlement à soutenir sans ambiguïté la position des pays critiques.
Notons que la République tchèque et la Suède, qui assureront la présidence du Conseil pour la période juillet 2022 – juin 2023, sont cosignataires de cette déclaration.
Avec les députés du Groupe ID, ces prochaines présidences trouveront au sein du Parlement un soutien pour garder les recommandations de la conférence aux strictes limites des traités existants et garantir le respect du principe de subsidiarité.