Aujourd’hui, en Commission Transport du Parlement européen, le directeur exécutif de l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA), M. Patrick Ky, a présenté le rapport sur la mise en œuvre de l’article 89 du règlement (UE) n° 2018/1139 relatif aux interdépendances entre la sécurité de l’aviation civile et les facteurs socio-économiques.
De quoi s’agit-il ?
En 2018, un règlement du Parlement européen et du Conseil a donné mandat à l’AESA de fournir tous les trois ans un rapport sur les « actions et mesures entreprises » pour traiter les « interdépendances » entre la sécurité aérienne et les facteurs socio-économiques.
Ce mandat exige également que l’AESA prenne des mesures spécifiques pour identifier, analyser et atténuer les risques de sécurité lies aux facteurs socio-économiques.
Pour facteurs socio-économiques, il faut entendre principalement les conditions de travail des pilotes et du personnel de cabine.
Car depuis l’essor des compagnies low-cost, mais pas seulement, il y a eu une course au moins-disant social et celle qu’autres fois était considérée comme une profession prestigieuse et bien rémunérée souffre aujourd’hui d’une précarisation comparable à celle des livreurs à vélo.
Faux travail indépendant, travail à durée déterminée, recours aux intérimaires, contrats à zéro heure et le « payer pour voler » (une pratique de l’industrie du transport aérien selon laquelle les pilotes professionnels payent pour exercer sur un vol commercial) sont devenus monnaie courante.
Selon plusieurs études scientifiques (Université de Gand en 2015, LSE-Eurocontrol en 2016 et Göteborgs/Karolinska Institute 2018) sur les mauvaises conditions d’emploi et de travail, la précarisation des contrats et le risque de perte d’emploi en tout moment, sont susceptibles de se répercuter sérieusement sur la sécurité des vols. Fatigue, dépression, maladies, inquiétudes diverses et varies ne sont plus signalées par le personnel, car se déclarer « inapte à voler » équivaut à se faire licencier.
Une situation grave que le rapport de l’AESA nie en bloc faisant la part belle aux compagnies aériennes et reléguant la question à une mauvaise « perception » humaine d’une situation d’exploitation pourtant acclamée.
Ce n’est pas une question anodine puisque concerne la sécurité des travailleurs de l’aviation civile, mais aussi des voyageurs qui font confiance aux compagnies aériennes concernant les conditions de sécurité inhérentes à leur voyage.
Une responsabilité d’autant plus accrue pour l’AESA depuis que le règlement en question (Art. 134) lui a aussi confié la possibilité d’octroyer des licences d’exploitations aux transporteurs aériens, une attribution précédemment réservée aux seules autorités nationales des États membres.
De cette manière, une compagnie aérienne peut choisir de se faire délivrer son certificat de transporteur aérien (CTA) soit par l’autorité nationale, par exemple la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) en France, ou soit par l’AESA.
Il y aurait-il un lien de cause à effet entre cette nouvelle compétence de l’AESA, le fait que certaines compagnies low-cost l’ont choisie pour leur certification et l’apparente manque d’intérêt de cette Agence à enquêter en profondeur les interdépendances entre la sécurité aérienne et les facteurs socio-économiques ?
Une chose est sûre, nous devons mettre un terme à cette course à la précarisation et à la destruction des acquis sociaux, il en va de la sécurité des travailleurs et des voyageurs, et de la crédibilité de cette Agence censée veiller sur les règles de sécurité communes et sur les mesures garantissant que les biens, les personnes et les organismes prenant part à des activités d’aviation civile dans l’Union satisfont à ces règles.